Pierre Leboucher – interview

English version below.

On a échangé quelques messages avec le photographe et vidéaste normand Pierre Leboucher. On va souvent surfer en Normandie, l’une de mes vagues préférées est là-bas, et à chaque fois que je vois son boulot, je ne rêve que d’une chose, c’est que cette vague fonctionne pour aller passer la journée dans l’eau sur la péninsule.

© Pierre Leboucher

Wrecked : Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter rapidement.

Pierre Leboucher : Je m’appelle Pierre Leboucher, j’ai 26 ans. Je suis originaire de Dieppe en Haute-Normandie. Je travaille dans l’audiovisuel depuis 5 ans, sous plusieurs casquettes : Assistant caméra, cadreur, tech vidéo, photographe etc.
Après avoir passé quelques années à Paris après les études, je me suis installé depuis peu dans le Cotentin.

© Pierre Leboucher

W : À quel âge es-tu tombé dans le surf? Tu te souviens de tes premières vagues? C’était où?

PL : J’ai été assez tôt dans l’eau en bodyboard mais j’ai eu mon premier surf vers 12 ou 13 ans si mes souvenirs sont bons. Une chose dont je me rappelle bien, c’est l’impatience que j’avais après avoir reçu ma planche, un mini Malibu Bic 7’3 ». Il a fallu attendre longtemps les bonnes conditions mais j’ai toujours en tête les images de cette première session. C’était à Quiberville, fin de journée, taille de genoux, un ami de mes parents m’accompagnait pour m’aider à comprendre les bases, j’ai à peine pris une vague, mais c’était tellement grisant cette sensation. Après, je me suis mis pas mal au kite car les conditions étaient plus régulières, j’ai eu une période SUP, pour enfin revenir au surf.

W : Et tes premiers pas en photographie? Est-ce que ça coïncide? Quel est ton parcours de ce côté là?

PL : Globalement oui ça coïncide. Avec ma première caméra, je filmais mes potes quand je ne pouvais pas aller à l’eau, et garder ainsi des souvenirs de sessions. Au fur et à mesure, je me suis intéressé de plus en plus au matériel et à la technique. Puis je suis tombé sur le film « The Art Of Flight » de Travis Rice, une superproduction sur le snowboard, j’ai pris une claque visuelle et ça m’a motivé à vouloir lier mes passions à mon métier. Après le Bac, j’ai eu la chance d’intégrer un BTS Audiovisuel option Image puis une L3 Cinéma à la Sorbonne que je n’ai pas terminé pour profiter d’une opportunité de job. Je me suis mis un peu à la photo en parallèle de tout ça, les deux domaines sont relativement liés, mais aujourd’hui je dirais que j’ai plutôt un profil de vidéaste que photographe.

© Pierre Leboucher

W : J’avais d’abord découvert tes photos, certainement sur Instagram, puis tes vidéos. D’ailleurs ce que t’as filmé pour SRFACE en Bretagne est très cool. Tu peux nous parler un peu de ce projet?

PL : Oui, comme toi, ils m’ont trouvé et contacté via Instagram en septembre dernier pour qu’on travaille ensemble. Je leur ai présenté Tom Jeannon et Bazile Pinel (alias Zeuglodon Surfboards), qui sont deux surfeurs avec qui je shoote souvent. Après quelques entretiens, ils ont pu intégrer la team d’ambassadeurs et on a pu commencer à créer du contenu pour la marque.
Le trip en Bretagne s’est organisé plus tard en décembre. À la base, c’était censé être uniquement un shoot photo avec le photographe Jan Bijl. Je tenais à le rencontrer pour échanger sur son expérience de photographe pro de surf, et c’était également l’occasion de montrer mon travail à l’équipe de Srface. J’ai insisté pour me joindre au trip et ça a été une super expérience. Ça fait plusieurs années que je sélectionne et adapte mon matériel pour ce genre de projets et c’est toujours agréable de mettre tout ça en pratique.
Aujourd’hui, on a d’autres projets en tête avec Srface, on a hâte de vous montrer tout ça et je les remercie encore pour leur confiance.

© Pierre Leboucher

W : T’as grandi en Normandie, vécu à Paris pour les études et t’es retourné en Normandie. Tu peux me parler du surf normand? On est bien loin des palmiers californiens ou de la côte basque.

PL : Ahah ouais c’est clair ! Le surf normand souffre de nombreux clichés et j’entends souvent  « Mais il n’y a pas de vagues en Normandie ?! ». Certes on a pas les meilleures conditions, les meilleures températures, mais en cherchant bien, il y a toujours quelque chose à se mettre sous la board. Et c’est ce que j’aime montrer à travers mes images. Je suis toujours émerveillé de découvrir de nouvelles vagues dans la région, et je pense que la côte me réserve encore plein de belles surprises !

W : Vous arrivez à trouver des replis dans le Cotentin avec les tempêtes qui s’enchainaient cet hiver ?

PL : Et oui, on arrive à trouver des replis lors des grosses tempêtes hivernales comme Ciara qui vient de passer, et pas uniquement dans le Cotentin. La Haute-Normandie propose elle aussi quelques spots abrités.

W : On associe souvent le surf à des plages caribéennes ou des îles du Pacifique, pourtant dernièrement on voit que le surf en eaux froides se développe beaucoup. Alaska, Kamachatka, la Mer du Nord, les Grands Lacs américains, l’Islande, etc…
Tu crois que l’essence du surf est la même quand tu dois survivre à des températures extrêmement froides VS le boardshort à Bali?

PL : Je ne pense pas que ce soient les conditions qui définissent le surf en lui même. Selon moi, un surfeur en Alaska est animé de la même passion qu’un autre qui évolue en boardshort dans une eau à 28°C. C’est certains que la motivation n’est pas la même, ni la durée de la session, mais je pense que tout surfeur recherche cette sensation, ce moment de glisse unique où qu’il soit dans le monde.

© Pierre Leboucher

W : Comme beaucoup de surfeurs, tu as vécu et travaillé à Paris, fais des A/R sur la côte pour surfer. Est-ce que t’as réussi à trouver un équilibre entre ton boulot dans la capitale et le surf en dehors? Comment tu vivais cette expérience et comment tu t’organisais pendant cette période?

PL : J’ai pas l’impression d’avoir réussi à trouver un équilibre entre la vie à Paris et le surf à côté. Ayant grandi près de la mer, j’ai jamais très bien vécu le fait de vivre loin de la côte, autant à la capitale qu’ailleurs. J’ai commencé à bosser à Paris comme salarié pendant 2 ans, mes semaines étaient bien remplies, donc j’avais pas trop le choix, j’y pensais pas et je rentrais souvent en Normandie les week-ends pour aller à l’eau. En devenant intermittent, j’ai eu plus de temps libre et c’est devenu plus compliqué, je tournais vite en rond à Paris les jours off. 

En fait, ça demande beaucoup d’organisation d’être un surfeur parisien. Garder un œil permanent sur les prévisions, avoir son matériel à dispo ou le louer sur place, planifier les covoits ou les trains… Les allers-retours coûtent vite de l’argent et nécessitent minimum 4h de temps pour les spots les plus proches.
Les communautés Facebook comme « Surfers from Paris » sont utiles pour s’entraider et prévoir des trips. Aussi, il faut avoir un bon self control pour maîtriser ses frustrations, quand tu rates la session de l’année parce que tu es bloqué à Paris, ou quand tu arrives au spot après 4h de route et que c’est flat… Bref, pas mal de contraintes à gérer et ça demande beaucoup de motivation. Paris a été pour moi un passage obligé, mais je suis heureux aujourd’hui d’avoir quitté la ville pour me rapprocher de la mer.

© Pierre Leboucher

W : As-tu une ou plusieurs images préférées? Pourquoi celles-ci?

PL : C’est difficile de choisir parmi mes photos préférées. Je trouve toujours quelque chose à redire techniquement. En revanche, je me rends compte que j’ai des thèmes qui reviennent souvent dans mon travail de manière générale. Les vagues vierges, placer le sujet dans un immense paysage, du noir et blanc en low et high key et bien sûr immortaliser quelques belles actions. Je m’inspire d’autres photographes que j’admire comme Ben Thouard, Chris Burkard, Rambo Estrada et beaucoup d’autres ; tout en essayant de garder ma « patte » ou d’innover sur certains clichés.

© Pierre Leboucher

W : J’avais prévu de finir l’interview là dessus mais vu qu’on est quand même dans une période bizarre avec ce confinement, j’ai une dernière petite question.
Est-ce que tout va bien pour toi? Comment tu t’occupes? Et surtout, est ce que t’as une recette à partager avec nous (vu que beaucoup de gens passent la journée à cuisiner)?

PL : Alors le confinement se passe plutôt bien de mon côté, mes proches sont en bonne santé et je loge actuellement dans un petit coin de paradis dans la campagne cotentinoise. Je ne suis pas à plaindre. Le surf manque mais on a réussi à profiter de l’étang au fond du jardin pour passer le temps.
Pour la recette, habituellement je suis plutôt expert du gâteau au yaourt, mais j’ai réussi récemment à faire quelques cannelés maison.

W : Merci !

@pierreleboucher
www.pierre-leboucher.fr
www.srface.com

© Pierre Leboucher
© Pierre Leboucher

We exchanged a few messages with photographer and videographer Pierre Leboucher. We often surf in Normandy, one of my favorite waves is over there, and every time I see his work, I dream of spending the day in the water on the peninsula.

Wrecked: First of all, can you introduce yourself quickly?

Pierre Leboucher: My name is Pierre Leboucher, I am 26 years old. I am originally from Dieppe in Haute-Normandie. I have been working in the audiovisual industry for 5 years wearing many hats: Camera assistant, cameraman, video tech, photographer etc..
After spending a few years in Paris studying, I recently moved to the Cotentin region.

W: How old were you when you got into surfing? Do you remember your first waves? Where were they?

PL: I was in the water quite early with a bodyboard. I had my first surf around 12 or 13 years old if I’m remembering correctly. I was really impatient after receiving my board, a mini Malibu Bic 7’3 ». I had to wait a long time for good conditions but I’ll never forget that first session. My parents helped me understand the basics, I barely caught a wave, the feeling was so exhilarating. After that, I started kiting a lot because of the winds, I had a SUP and it got me back to surfing.

© Pierre Leboucher

W: And your first steps in photography? Did it coincide? What’s your background when it comes to this?

PL: In the big picture, yes it coincides. With my first camera, I filmed my friends when I couldn’t go to the water, and thus keeping my memories of the sessions. As time went by, I became more and more interested in the material and the technique. Then I came across Travis Rice’s movie « The Art Of Flight », an epic film on snowboarding. I got a visual slap in the face and it motivated me to want to connect my passion with my job. After graduating from high school, I was lucky enough to get a BTS Audiovisual option Image and then an L3 Cinema at Sorbonne which I didn’t finish because I wanted to take advantage of a job opportunity. I started taking photos parallel to all that, the two fields are pretty similar, but today I would consider myself as more of a videographer than a photographer.

© Pierre Leboucher

W: I first discovered your photos on Instagram, and then your videos. By the way, what you filmed for SRFACE in Brittany is very cool. Can you tell us a little bit about that project?

PL: Yes, like you, they found me and contacted me on Instagram last September to work together. I introduced them to Tom Jeannon and Bazile Pinel (aka Zeuglodon Surfboards), two surfers I often shoot with. After a few interviews, they joined the ambassador team and we were able to start creating content for the brand.
The trip to Brittany was organised later in December. Basically it was just supposed to be a photo shoot with photographer Jan Bijl. I wanted to meet him to talk about his experience as a pro surf photographer, and it also became an opportunity to show my work to the Srface team. I insisted on joining the trip and it turned out to be a great experience. I’ve been selecting and adapting my material for these kinds of projects for several years now and it’s really cool to see it come to fruition.
Today, we have other projects in mind with Srface, we can’t wait to show you guys and I thank them again for their trust.

© Pierre Leboucher

W: You grew up in Normandy, lived in Paris for studies and eventually went back to Normandy. Can you tell me about surfing in Normandy? It’s a long way from the Californian palm trees or the Basque coast.

PL: Ahah yeah it is! The Normandy surf scene suffers many clichés and I often hear « There are no waves in Normandy?! ». Of course we don’t have the best conditions or the best temperature, but if you look hard, there’s always something to ride. And that’s what I like to show through my pictures. I’m always amazed to discover new waves in the area, and I think the coast has plenty of surprises in store for me yet!

W: Did you manage to find some protected waves in the Cotentin with the back to back storms this past winter?

PL: Yes, we managed to find waves during big winter storms like Ciara that just passed, and not only in the Cotentin. Haute-Normandie also offers some sheltered spots.

© Pierre Leboucher

W: Surfing is often associated with Caribbean beaches or Pacific islands, but lately we’ve been seeing a lot of surfing in cold waters. Alaska, Kamachatka, the North Sea, the American Great Lakes, Iceland, etc…
Do you think the essence of surfing is the same when you have to survive extremely cold temperatures vs boardshorts in Bali?

PL: I don’t think it’s the conditions that define surfing in itself. In my opinion, a surfer in Alaska has the same passion as a surfer who wears boardshorts in 28°C water. The motivation is not the same, for sure, nor the duration of the session, but I think that every surfer is looking for this sensation, this unique moment of gliding across water wherever they are in the world.

W: Like many french surfers, you’ve lived and worked in Paris, going back and forth to the coast to surf. Have you managed to find a balance between your job in the capital and surfing outside? How did you handle this experience and organize yourself during this period?

PL: I don’t feel like I managed to find a balance between life in Paris and surfing. Having grown up by the sea, I never really enjoyed living far from the coast, both in the capital and elsewhere. I started working in Paris as a full time employee for 2 years, my weeks were busy, so I didn’t have much choice, I didn’t think about it and I often went back to Normandy on weekends to go to surfing. By becoming intermittent, I had more free time and it became more complicated, I was quickly going around in circles in Paris on off days. 
Actually, it takes a lot of organization to be a Parisian surfer. Keeping a permanent eye on the forecasts, having your equipment available or renting it on the spot, planning carpools or trains… The round trips aren’t cheap and require a minimum of 4 hours of driving to the closest spots.
Facebook communities like « Surfers from Paris » are useful to help each other and plan trips. Also, you have to have a good attitude and self control in order to deal with your frustrations, when you miss the session of the year because you are stuck in Paris, or when you arrive at the spot after 4 hours drive and it’s flat. In short, there are a lot of constraints to manage and it requires a lot of motivation. Paris has been for me an obligatory passage, but I’m happy today to have left the city and get closer to the sea.

© Pierre Leboucher

W: Do you have a favourite image or images? Why these?

PL: It’s hard to choose among my favourite pictures. I always find something to say technically. On the other hand, I realize that I have themes that often recur in my work in general. Empty waves, placing the subject in a huge landscape, black and white in low and high key and of course immortalizing some beautiful actions. I draw inspiration from other photographers I admire such as Ben Thouard, Chris Burkard, Rambo Estrada and many others; while trying to keep my « touch » or to innovate on some shots.

© Pierre Leboucher

W: I had planned to finish the interview on this but since we’re still in a weird period with this quarantine, I have one last little question.
Is everything going well for you? How do you keep busy? More importantly, do you have a recipe to share with us (since a lot of people spend all day cooking)?

PL: The quarantine is going rather well on my side, my relatives are in good health and I am currently staying in a small corner of paradise in the Cotentinian countryside. There’s no need to pity me. Surfing is missing in my life but we manage to take advantage of the pond at the bottom of our backyard to pass the time.
For the recipe, usually I’m rather an expert on yogurt cake, but I recently managed to make some homemade cannelés.

W: Thank you!

@pierreleboucher
www.pierre-leboucher.fr
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© Pierre Leboucher